Title
Ancolie
Date
2019
MediumMixed media
Dimensions _


FR

Si l’ancolie est une renonculacée vivace aux fleurs éclatantes et sombres, munies d’éperon qui évoquent les serres de l’aigle, qu’elle est un prénom ; elle est ici le nom d’une performance à la théâtralité mesurée et sourde construite par trois artistes, Florence Laprat, Loup Lejeune et Emmanuel Abiteboul.

Deux plateaux superposés, séparés de la salle par un vitrage. Une scène domestique abstruse, des spectateurs en quête d’indices. Une femme, combinaison chair, se meut comme une vague sur la grève. Tantôt, elle est allongée en lents replis et déplis sur le matelas de la mezzanine, tantôt, tête dans les genoux, elle contemple un paysage friedrichéen d’où s’écoule, imperceptible, un liquide noirâtre (pétrole?) qui s’élargit en tache oblongue le long de la paroi. Tantôt, elle évolue sans heurts, s’assied à l’écran d’ordinateur pour y jouer, puis descend d’un niveau, ouvre le réfrigérateur du bas où des vêtements ont été serrés au frais à côté de mystérieux œufs de cent ans (皮蛋: pídàn), d’ailes de geai et de poires dont les trognons ont été conservés… Tout à côté, un aquarium étouffe sous la couche de pétrole qui le recouvre, tout à côté encore, derrière une feuille de prisme, une vanité iridescente à côté de laquelle se tient une seconde présenc féminine évoque la mélancolie.

Rien en soi, gestes, actions et accessoires, n’est singulier — une scène de quotidien que nou verrions comme le passant qui se presse au crépuscule le long d’un immeuble à appartements aux larges baies éclairées. L’étrangeté, l’«inquiétante étrangeté », naît de la muette soliloquie de son/ses occupante/s désœuvrée/s , à tout le moins d’actes en suspens et de rencontres fortuites entre objets; naît de l’état de séparation qui est nôtre. Spectateurs, nous observons détachés ce théâtre domestique de l’autre côté du verre,
mais ce qui s’y déplie, s’y déplie de quel côté ? Tout a lieu comme si nous avancions contre un courant qui nous déporte vers un futur.
Alain van der Hofstadt, historien de l’art.
EN

If the columbine is a perennial ranunculaceae with bright and dark flowers, provided with spurs that evoke the claws of the eagle, that it is a first name; it is here the name of a performance with a measured and muted theatricality constructed by three artists, Florence Laprat, Loup Lejeune and Emmanuel Abiteboul.

Two superimposed trays, separated from the room by glazing. An abstruse domestic scene, spectators in search of clues. A woman, in a flesh suit, moves like a wave on the shore. Sometimes, she is lying in slow folds and unfolds on the mattress of the mezzanine, sometimes, head in her knees, she contemplates a Friedrichean landscape from which flows, imperceptibly, a blackish liquid (petroleum?) which widens in oblong spot along the wall. Sometimes she moves smoothly, sits down at the computer screen to play it, then goes down a level, opens the downstairs refrigerator where clothes have been snugly kept cool next to mysterious hundred-year-old eggs (皮蛋: pídàn), jay wings and pears whose cores have been preserved… Right next to it, an aquarium suffocates under the layer of oil that covers it, right next to it, behind a sheet of prism, an iridescent vanity beside which stands a second female presence evokes melancholy.

Nothing in itself, gestures, actions and accessories, is singular – a scene of everyday life that we would see as the passerby who presses at dusk along an apartment building with large lighted bays. The strangeness, the “disturbing strangeness”, arises from the mute soliloquy of its idle occupant(s), at the very least from suspended acts and fortuitous encounters between objects; arises from the state of separation that is ours. Spectators, we observe detached this domestic theater on the other side of the glass,but what unfolds there, unfolds on which side? Everything takes place as if we were advancing against a current that is deporting us towards a future.
Alain van der Hofstadt, art historian.